Les comités villageois du Guidimakha mènent des efforts de résilience

Par un après-midi chaud dans le village de Tagoutalla, un homme est surpris en train d'abattre des arbres à la lisière d'une forêt communale.
La tension monte. Selon les villageois, ses actes mettent en péril un environnement déjà fragile et compromettent l’accès à des ressources naturelles essentielles.
« Je ne suis pas le seul à faire cela », se défend-il, se sentant injustement pointé du doigt.
Avant que la situation ne dégénère, les membres du comité villageois interviennent et entament un processus de médiation.
Ils réunissent l'homme et ses voisins pour une discussion ouverte au cours de laquelle des questions sont posées, des préoccupations exprimées et des pratiques durables partagées. À l’issue de cette discussion, l'homme prend conscience de l'impact de ses actions et est convaincu de la nécessité d’arrêter l’abattage des arbres, optant plutôt pour l’usage de foyers améliorés.
La communauté parvient ainsi à un accord commun : un pacte informel pour préserver le peu qu'il reste de la forêt, présente depuis des générations.
Au-delà de la résolution de conflit, cette intervention a renforcé la conscience collective autour de la gestion des ressources naturelles tout en affirmant le rôle du comité villageois comme pilier du dialogue et de la prévention.
Dans cette zone reculée du sud de la Mauritanie, où de simples différends peuvent rapidement dégénérer, ce leadership discret, ancré dans la communauté, contribue à transformer les dynamiques locales.

Une approche communautaire du climat et des conflits
Riche en potentiel agropastoral, la région du Guidimakha est confrontée à des impacts croissants du changement climatique. Les bouleversements dans les schémas de transhumance et la raréfaction des ressources exacerbent les tensions de longue date entre les éleveurs et les agriculteurs et souvent des conflits éclatent sans avertissement.
Depuis novembre 2022, une initiative de consolidation de la paix, financée par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (PBF) et mise en œuvre par l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l'Organisation Internationale du Travail (OIT), contribue à renforcer les capacités locales de prévention des conflits et de gestion des risques climatiques. Doté d'un budget de 3 millions de dollars, le projet vise à renforcer la résilience des communautés, en commençant par les populations elles-mêmes.
Le signe le plus visible de cette transformation ? La revitalisation de 44 comités villageois, aujourd’hui, actifs dans 40 localités. Ces assemblées participatives sont devenues des intermédiaires de confiance entre les communautés, les autorités locales et les partenaires de développement.
Les comités jouent un rôle de plus en plus central dans la gestion des conflits, notamment entre éleveurs et agriculteurs. En 2023, 16 comités ont traité 101 conflits locaux dont 82 ont été résolus, soit un taux de résolution de 81,2 %. En 2024, ce taux atteint 98 %, avec 95 conflits sur 97 ayant donné lieu à une médiation réussie. La majorité des différends sont liés aux ressources, plus précisément aux délimitations foncières et à l'utilisation des ressources naturelles.
« Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont souvent déclenchés par la raréfaction des ressources. Mais les comités villageois nous aident à gérer ces tensions », explique Madame Oumou Kethoum, du village de Hel Wandou.
Leur mandat va bien au-delà de la médiation. Ils surveillent les prix des denrées alimentaires, sensibilisent aux risques de feux de brousse, coordonnent les interventions d'urgence et accompagnent les projets communautaires de développement. Dans certaines localités, comme à Hassi Chaggar, le comité villageois a même été chargé de surveiller les prix des denrées de première nécessité et de contrôler la qualité et le prix de la viande, ce qui témoigne de la confiance que leur accordent les populations.

Une confiance méritée, pas donnée
Gagner cette légitimité n’a pas été facile. À leurs débuts, beaucoup de comités villageois n'étaient pas officiellement reconnus, ce qui limitait leur capacité d’action. Une série d'ateliers associant les walis, les hakems et les maires, a permis de consolider leur rôle et de les institutionnaliser.
« Au départ, les populations ne nous reconnaissaient pas comme légitime, contrairement aux autorités. Ce problème est en train d'être résolu grâce à l'implication croissante des autorités gouvernementales », a déclaré M. Sidi Ould Mbeyrika, président du comité de village de Gouraye.
Chaque comité est composé d'une dizaine de membres, désignés par l’assemblée communautaire et approuvés officiellement par les autorités locales. Sur les 515 membres, 171 sont des femmes (33 %) et 93 sont des jeunes (18 %), ce qui garantit que les décisions reflètent l'ensemble des voix de la communauté.
« Les membres du comité villageois sont des personnes dévouées à leur communauté, prêtes à intervenir à tout moment, même tard dans la nuit », a déclaré Moustapha Soumaré, maire de Khabou.
Au-delà de leur rôle de médiateurs, les membres agissent comme des agents de sensibilisation, promouvant la gestion responsable des ressources naturelles, comme la préservation de l'eau et l'utilisation durable des terres.

Un avenir construit ensemble
Les résultats sont déjà tangibles. « Ces efforts ont permis une réduction significative des conflits, notamment une baisse de 30 % des conflits dans la capitale du district de Gouraye », a déclaré Madame Hadjiratou Kalidou BA, députée et maire de Gouraye.
Aujourd'hui, intégrés aux structures de gouvernance locale, les comités villageois participent aux côtés des autorités à la gestion des stocks d'urgence, à la prévention et à la gestion des catastrophes et au développement local. Ils constituent l'épine dorsale de la résilience communautaire, enracinés dans les traditions, mais tournés vers l'avenir.
À Tagoutalla, l’homme autrefois réticent est devenu un relais de sensibilisation sur la gestion de l'environnement.
Dans cette région longtemps marquée par les tensions, les communautés montrent qu’elles peuvent être les architectes de leur propre stabilité.
Face aux défis climatiques et aux pressions sociales croissantes, les comités villageois apparaissent comme des piliers de paix, de résilience et de cohésion sociale, une démonstration concrète de ce que peut accomplir une approche centrée sur les communautés les plus concernées.
